Une
jeune mère (Brie Larson) vit avec son fils Jack (Jacob Tremblay) dans
une pièce exiguë. Elle lui raconte des histoires et il s'est créé un
microcosme personnel dans lequel il semble s'épanouir. Tout semble
normal. Mais en réalité, tout est très loin d'être normal...
Sous
les dehors d'une existence certes confinée, mais apparemment
chaleureuse entre Ma et Jack, se dissimule en réalité l'horreur
permanente d'un emprisonnement comme en révèlent parfois les médias.
Depuis sept ans la jeune fille est la proie d'un malade et vit cloîtrés
avec son enfant de cinq ans dans une cabane de jardin. Autant dire le
genre d'histoire casse-gueule dans laquelle l'équilibre est
particulièrement difficile à tenir entre description d'une abomination
et plongée toujours possible dans le glauque et le racoleur.
Autant
dire que l'on ne peut qu'être subjugué par la tenue dramatique et la
pudeur avec laquelle le réalisateur aborde la première partie du film,
jusqu'à la libération des deux otages. La vérité s'insinue
progressivement, à travers quelques détails souvent superficiels, qui
dessinent petit à petit une réalité insoutenable. Grâce à la voix off
de Jack, qui expose avec les limites de sa compréhension, ce qu'est le
monde à ses yeux, le récit parvient à désamorcer l'horreur tout en
créant une authenticité aussi naïve que bouleversante. Pas une seconde
la caméra n'insiste de manière malsaine ou indécente sur ce qu'inflige
le monstre à ses deux captifs, respectant dans cette discrétion
l'univers magique et fabuleux dans lequel Ma est parvenue à élever Jack
pour protéger son intégrité physique et mentale. Il suffit de comparer
le film de Lenny Abrahamson au récent " Love
hunters
", sur un sujet presque semblable, pour prendre conscience de l'écart
qui sépare ces deux présentations de l'abomination, même si le film de
Ben Young parvient à ne pas sombrer dans le voyeurisme malsain.
Lorsqu'intervient
le sauvetage, on se dit que le cauchemar est terminé. Mais il n'en est
rien. Entre le rejet du père (William H. Macy), l'intrusion des medias,
et la simple impossibilité de réintégrer sans dommages le monde
'normal', tout est loin d'être rose dans cette libération inespérée.
Même si le microcosme a éclaté, ce qui, forcément, change la donne dans
l'approche cinématographique des événements, c'est toujours avec une
infinie délicatesse et une honnêteté de tous les instants que l'oeuvre
suit la laborieuse réadaptation du fils et de la mère. Et c'est une
évidence que de constater que tous deux sont époustouflants de naturel
aussi bien que de justesse. Depuis la performance ( hélas sans vraiment
de suites mémorables ) de Haley Joel Osment dans le " Sixième sens " de M. Night
Shyamalan, on n'avait pas vu un acteur enfant aussi charismatique et
impressionnant.